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  Dernière mise à jour le samedi 28 juillet 2001

Une histoire mouvementée
Aujourd'hui de nouveaux systèmes se mettent en place
Un peu de parano pour se faire peur !!!
Et demain ? Une attitude responsable et citoyenne ?


Une histoire mouvementée

Depuis les années 1970 les travailleurs sociaux ont adopté une attitude méfiante vis-à-vis des nouvelles technologies de l'information, et des mises en réseaux d'informations sociales.

Cela a commencé avec la mise en place des systèmes AUDASS et GAMIN qui avaient pour objectif d'automatiser la sélection des enfants nés ou à naître en fonction de critères médicaux et sociaux afin d'affiner les efforts de prévention réalisés par les équipes médico-sociales.

Ce projet s'est heurté à une très forte opposition, de la part des médecins tout d'abord qui ont refusé très largement de remplir et d'envoyer les volets de données personnelles aux organismes chargés de les mettre en œuvre. De la part des travailleurs sociaux et médico-sociaux, qui autour de la revue Champ Social (on trouvera quelques articles tirés de cette revue dans la page d'archives)se sont organisés au sein des DDASS (Directions Départementales de l'action Sanitaire et Sociale) pour boycotter le projet. Ils dénonçaient tous alors les tentatives de "fichage" de la société on se souvient à ce propos du livre de Jacques Donzelot paru aux Éditions de Minuit en 1977 "La Police des Familles". On était en 1976, la micro-informatique n'existait pas, mais déjà les travailleurs sociaux pressentaient que le type de société sous-jacent à ces pratiques allaient, sous couvert de prévention, aboutir à une instrumentalisation de plus en plus oppressante des rapports sociaux.

Aujourd'hui de nouveaux systèmes se mettent en place :

 

Aujourd'hui de nouveaux projets autrement plus dangereux sont en train de voir le jour. Leurs noms : ANIS, (Approche nouvelle de l'information sociale), ANAISS (Application nationale informatique des services sociaux), ESOPE (Ensemble des systèmes opérationnels pour la protection de l'enfance) etc...
Ils sont en général commandés par les présidents de Conseils Généraux avec l'objectif de rationaliser les dépenses en matière sociale. Il faut rappeler que la plus grande partie des dépenses des départements est consacrée au domaine social.
Des collectifs d'assistants sociaux se mobilisent contre l'informatisation de l'action sociale, l'un d'entre eux s'est réuni à Bordeaux le 4 octobre 1997. De même le 25 avril 1998, un colloque ayant pour titre "Surfichés ne vous en fichez plus..." s'est tenu à l'université de Jussieu à Paris à l'initiative de la Ligue des droits de l'homme, du Collectif Informatique, Fichiers et Citoyenneté, et du Collectif pour les droits des citoyens face à l'informatisation de l'action sociale. On peut consulter les actes de ce colloque à l'adresse suivante : http://www.ufr-info-p6.jussieu.fr/~creis/serveur/journal/framjour.htm

Les travailleurs sociaux estiment que l'informatisation de l'action sociale et la mise en réseau d'informations nominatives "sensibles" est porteuse de risque pour les libertés publiques.
Cette prise de conscience des travailleurs sociaux dans leur domaine est à mettre en relation avec les autorisations émises par la CNIL de croisements de fichiers nominatifs, et par l'apparition et l'existence de nouveaux métiers du renseignement liés aux réseaux. Dans un article du MONDE daté du 4 janvier 1997 sous le titre "La CNIL devra trancher entre logique policière et logique sociale" l'auteur s'interroge sur l'un des points des lois PASQUA qui prévoyait la possibilité d'interconnecter "l'Application de Gestion des Ressortissants Étrangers en France" (AGDREF) avec les applications de Sécurité Sociale afin de mieux repérer les étrangers en situation irrégulière, en effet, le ministère de l'intérieur "souhaite que les organismes de sécurité sociale informent les préfectures des situations irrégulières d'étrangers qu'elles constatent". En effet l'attribution des prestations est soumise à la régularité du séjour. Le ministère des affaires sociales contestait sévèrement ce qu'il considérait comme un détournement de l'objectif du fichier.
Mais puisque nous en sommes aux interconnexions, il est bon de rappeler que le fichier des Allocataires  des Caisses d'Allocations Familiales est relié avec le fichier des Impôts.

 

 

Un peu de parano pour se faire peur !!!

Alors ces diverses interconnexions balbutiantes, mais réelles donnent lieux - notamment aux États Unis aujourd'hui, mais pourquoi pas demain chez nous - à la création de nouveaux métiers : les enquêteurs sur les réseaux, ce sont des sortes de pirates informatiques (1), ou plutôt de vautours informatiques qui cherchent des informations sur des individus au travers des différents fichiers disponibles : impôts, police, sécurité sociale, assurances etc... pour permettre d'affiner des enquêtes sur des candidats à certains emplois, ou d'éventuels fraudeurs à l'assurance, ou pour recueillir des renseignements sur un concurrent etc... Ce dont il faut bien se rendre compte, c'est que la plupart du temps les informations contenues dans un fichier sont anodines prises isolément (quoique les fichiers des RG, ou de la sécurité sociale ne soient pas aussi anodins que ça) mais la recherche de corrélations entre différents fichiers peut, elle, apporter des éléments mettant en cause de façon extrêmement grave les libertés individuelles, et constitutionnelles.

 

Et demain ? Une attitude responsable et citoyenne ?

Au delà de cette attitude méfiante, justifiée par les faits, de nombreux travailleurs sociaux se sont familiarisés avec les nouveaux outils à leur portée. Pourtant les grands éditeurs dans le domaine du travail social en France semblent réticents à prendre en compte cette évolution. En effet, il n'existe aujourd'hui aucune édition électronique des documentations de référence que sont le "Guide Familial" ou le "Guide du Travail" des Éditions ESF, et pourtant on imagine fort bien l'apport en terme de confort d'utilisation et de manipulation grâce à la facilité de rechercher, d'indexer etc. que permettrait un support électronique comme le cédérom ou même une consultation en ligne, cette dernière formule autorisant une mise à jour en temps réel par les éditeurs. (Enfin, on peut toujours rêver).

L'apport des nouvelles technologies de l'information pourrait représenter un atout déterminant pour l'avenir du travail social comme c'est déjà le cas dans la plupart des domaines du travail et des loisirs. Dans le champ qui nous intéresse, l'échange d'informations constitue une partie considérable du travail quotidien, de même que la mise à jour de nos connaissances. On pourrait rêver que, comme c'est le cas dans les domaines techniques, lorsque je connais quelques difficultés de configuration de ma machine, ou même lorsque je bloque dans l'utilisation d'un logiciel, il me suffit de poster un message dans les forums d'Internet et de nombreuses réponses arrivent très rapidement. On pourrait imaginer transposer ces pratiques avec une réelle mise à disposition des expériences, des connaissances de chacun. L'apport du réseau pourrait en plus être renforcé par l'utilisation du courrier électronique pour les informations moins générales, en somme le réseau électronique viendrait seconder la création de réseaux de compétences. La méfiance originelle des travailleurs sociaux pour l'informatique et la mise en réseau des informations nominatives semble être un excellent garde fou qui évitera les éventuelles dérives. En outre, une expérience de plusieurs années de formation, au confluent du travail social et de l'informatique m'a montré qu'une meilleure connaissance des outils permettait une démythification, de la machine et une approche plus raisonnée des dangers qu'elle recèle.


(1) Attention l'utilisation du mot "pirate informatique" dans ce contexte est à prendre avec des pincettes, en effet les personnes qui se disent pirates informatiques, ou "hackers" ont une philosophie totalement opposée à ces pratiques, puisqu'au contraire ils estiment que les réseaux doivent être transparents, et ne contenir que des informations ne mettant pas en cause la liberté des individus. Ils se sont rendus célèbres grâce aux "visites" qu'ils effectuent dans les réseaux et les ordinateurs des institutions les plus prestigieuses : banques, états majors, pentagone aux États Unis, etc... Leur objectif en effectuant ces incursions est de démontrer les failles de sécurité dans les systèmes informatiques.
Le sens que j'utilise ici s'apparente plus aux bandits de grand chemin qu'aux libertaires des réseaux que sont les hackers. Pour plus d'informations sur les hackers on peut visiter le site du Chaos Computer Club de Hambourg, ou le site de Nirvanet, en français, et en suivant les liens concernant le hacking, le phreaking etc.

CNIL : la CNIL (Commission Nationale Informatique et Liberté) a actuellement une attitude assez paradoxale, puisque sur son site internet http://www.cnil.fr elle démontre les risques encourus par la vie privée dans l'utilisation des réseaux, et pour ce faire elle utilise elle même le réseau internet. Nous nous retrouvons donc sur une même démarche, de pédagogie et de connaissance des risques pour mieux utiliser les potentialités représentées par les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC).

 


copyright Patrick THIRIET 1997-2001 <patrick.thiriet@wanadoo.fr>